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 RebusExternis

De quelques caractères de la coopération internationale comme antithèse du conflit violent

24 Juillet 2018, 10:54am

Publié par Dr. Sali Bouba Oumarou

 

La coopération est une pratique qui, dans sa philosophie, s’oppose au conflit violent. Contrairement au conflit violent destructeur et onéreux aussi bien matériellement qu’émotionnellement, la coopération est peu couteuse et méliorative, tant pour les institutions que pour les individus qui y trouvent parfois, lorsqu’elle est internationale, une source de renouvellement de l’intersubjectivité transnationale. C’est le cas notamment lorsqu’elle supplée le conflit transfrontalier et rend possible une fluctuation des transactions de part et d’autre des frontières. Regardons les frontières ouest-africaines, aujourd’hui : autrefois meurtrières [1], des symboles de la relation conflictuelle du « moi » et de « l’autre moi», elles renouvellent de nos jours, d’une manière ou d’une autre, l’une des estrades du véritable sens de la vie en société  qu’est l’échange pacificié ou non violent, et donc l’harmonie. La coopération fait des 32 000 kilomètres de zones frontalières ouest-africaines des véritables marchés du donner et du recevoir.

Pont de N'Gueli, situé à la frontière Cameroun-Tchad

 

La coopération se distingue également du conflit violent par l’aménagement des voies pacifiques de règlement des litiges et des conflits. Elle rend même possible la naissance des cadres de mutualisation des efforts pour prévenir, interdire ou s’opposer aux diverses formes variées des conflits violents. Les différentes expressions des « luttes contre » dans l’arène internationale s’émancipent derrière le voile de la coopération internationale.Bien sûr, la coopération internationale ne renie pas fondamentalement la prétention des acteurs des relations internationales au conflit violent ou ne récuse pas le caractère violent de l’arène internationale où des acteurs de moult bords déboulent et s’affrontent autour des ressources ou la quête d’un statut, entre autres. Même si on peut être tenté de l’attribuer un tel pouvoir, puisqu’elle a cette capacité de promouvoir des cadres souples d’entente et de détente des tensions, il ne demeure pas moins que l’arène internationale est le terrain des conflits et ses « gladiateurs » ne sont pas devenus amnésiques au point d’oublier que la force a souvent/et pourrait "toujours" faire droit. Disons-le clairement, la coopération internationale réduit la possibilité et l’expression même du conflit violent, mais ne le supprime pas. Aux glaives et archers pour la résolution des différends, la coopération substitue contemporainement des relations fondées sur le dialogue, la médiation, l’arbitrage, le compromis. À la « totaler Krieg » (guerre totale) où prévaut humiliation, confusion de rôles, bref anarchie ; la coopération internationale ou ces résultats[2] tente d’imposer, même indirectement, « une guerre réelle » où la violence n’a, naturellement pas tous les droits. Le pari n’est pas toujours gagné, mais on entrevoit là, d’une certaine manière, la restitution d’une partie de l’histoire du guerrier bâtisseur du pont. 

Crédit photo: Mark Lennihan/AP

 

Il est clair qu’en évoquant ainsi certains caractères de la coopération internationale, on l’assigne une note majeure dans le processus de restitution du véritable sens de la vie en société qu’est l’harmonie, en théorie et en pratique. En théorie on reconnait simplement, par défaut, que les conflits n’auraient aucune vertu dans la marche des sociétés ; en pratique, on fait le constat de ce que l’harmonie observée ici et là est la résultante des « coopérations » mises en œuvre en amont. Il convient de souligner tout de même que pour conduire les acteurs des relations internationales au rapprochement, les engager à faire des concessions, bref à coopérer, il a souvent fallu voir les affres ou constater le pouvoir déstabilisateur des conflits violents.  De nombreux exemples historiques ne montrent que cela : des hommes et des femmes autour d’une table ou derrière une porte close pour entrevoir l’avenir différemment…En réalité, la coopération internationale pourrait également être pensée comme une transformation du conflit violent.

 

[1] Pour un aperçu des conflits frontaliers en Afrique, voir :  N’Dimina-Mougala Antoine-Denis, « Les conflits africains au XXe siècle. Essai de typologie », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2007/1 (n° 225), p. 121-131. DOI : 10.3917/gmcc.225.0121. URL : https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2007-1-page-121.htm

[2] On fait référence à l’arsenal juridique internationale qui tente d’encadrer l’usage de la force.   

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