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 RebusExternis

Fonds souverains: Une panacée

31 Août 2012, 15:59pm

Publié par Sali Bouba Oumarou

moiLes États africains producteurs d'hydrocarbures essayent de gérer avec efficience les ressources issues de la vente des hydrocarbures. Certains optent pour la création de fonds souverains pour placer les recettes. Tout récemment encore, c’est le Nigeria qui procédait à la création d’un fonds souverain de 800 millions d'euros. En s’appuyant sur les exemples d’autres pays, s’agit-il d’une panacée ? Quelles sont la portée et les limites de ces fonds souverains ? À quelles conditions pourraient-ils servir les intérêts de ces pays ?

 

     Les fonds souverains sont actuellement des acteurs majeurs du système financier international. Leur progression fulgurante à partir des années 2000 s’accompagne non seulement de l’accroissement de leur influence mais aussi, dans le même temps, d’une méfiance à leur égard. De 5 fonds souverains en 1970 (1), on en compte aujourd’hui plus d’une centaine qui gèrent les excédents commerciaux ou budgétaires des Etats. La plupart de ces fonds ont surgi à la faveur de l’envolé des cours des hydrocarbures. La quasi-totalité des pays producteurs de pétrole  disposent d’un fonds souverain. On peut citer  à titre illustratif le Koweït (2) ou La Lybie dont le fond détiendrait plus de 50 milliards d’Euros (3). La création ou le désir de création des fonds souverains pétroliers par les Etats Africains, s’inscrit alors dans une large tendance, qui voit la prolifération de ces fonds. La Tanzanie, qui rentrera dans le cercle fermé des producteurs du Gaz (4) compte d’ores et déjà créer un fonds souverains comparable  à celui crée par le Nigeria qui n’est rien d’autre que le 1er producteur du pétrole du continent.

 

      L’intérêt de ces fonds en principe est qu’ils peuvent permettre dans certaines conditions, une meilleure utilisation des revenus des hydrocarbures. Ils permettent de dépasser les objectifs de stabilité des recettes budgétaires, généralement assignés aux revenus des hydrocarbures. Par « l’exportation » des revenus, ces véhicules de financement contribuent mieux que l’aide internationale à la prospérité économique des nations. Pour les pays créateurs de ces fonds, il s’agit de faire face à l’incertitude du lendemain, de diversifier les sources de revenus pour échapper aux crises potentielles liés au tarissement des ressources naturelles. Ces fonds assurent ainsi un rôle d’épargne par la conversion des ressources non renouvelables en actifs financiers. C’est du reste ce que laisse penser l’expérience de ces fonds dans les démocraties occidentales. L’exemple du fonds souverain de la Norvège (Government pension fund global), dont les actifs s’élevaient en 2007, avant la crise, à près de 373 milliards de dollars est édifiant à cet égard. Ce fonds se distingue de certains par sa « transparence exemplaire » et des « règles d’investissement d’éthique » (5) édictées en 2004. Cela lui permet de jouer effectivement un rôle de stabilisation destiné à protéger l’économie non pétrolière du pays avec un fonds d’épargne pour les générations futures. Ainsi donc, les fonds souverains dans certaines conditions peuvent permettre un tant soit peu une bonne gestion des ressources pétrolières.

 

    Cependant, il faut aussi noter que certains fonds souverains dont les gestions sont opaques (pas de transparences, ou d’éthique) connaissent des dysfonctionnements qui font naître le discrédit et la méfiance à leur égard. Cette opacité fait craindre des agendas politiques cachés. La conséquence est la montée du protectionnisme au sein des  Etats récepteurs de ces fonds. Caroline Bertin (6) remarque à ce propos que les fonds Russes et chinois provoquent de vives réactions au sein des Etats de l’OCDE, et remettent au gout du jour l’exception de la liberté d’investissement incarné par la clause de sécurité nationale (7). Il en est de même pour le fonds  libyen (dont les investissements en Afrique évalués à 1,2 milliards en Afrique (8)) qui a suscité pendant longtemps des craintes.

 

     Aussi, la gestion de certains fonds ne répond à aucune règle stable s’agissant du dépôt ou du retrait des avoirs. La gestion est ainsi laissée à la discrétion des autorités. Ce faisant, la porte est largement ouverte aux détournements des avoirs de ces fonds à d’autres fins. En outre, dans certains cas, aucune information n’est régulièrement donnée sur ces fonds, ce qui va en contradiction avec les principes de Santiago en matière de transparence, auxquels adhérent la plupart des fonds. Ces manquements sont du reste, les causes parmi tant d’autres qui ont conduit à l’échec des fonds pétroliers du Tchad, du Venezuela, d’Oman etc. A contrario, un fonds comme celui du Botswana, le Pula Fund crée en 1996, a vu ses dépenses budgétaires décupler du fait qu’il est régi par des règles identifiables par tous et les décisions le concernant nécessitent l’accord du Parlement.

 

     Au demeurant donc, les fonds souverains peuvent souvent faciliter la gestion des revenus des hydrocarbures des Etats africains, et leurs faire éviter ce que d’aucuns appellent la malédiction des ressources, qui explique les contreperformances des pays richement dotés par la dépendance aux revenus des matières premières et à l’abondance de ceux-ci qui contribuerait à la gabegie.

 

      Pour ce faire, il faut nécessairement que ces fonds puissent jouir d’une certaine indépendance vis-à-vis du politique. (Au Kazakhstan et en Azerbaïdjan, c’est la présidence qui gère directement les fonds souverains dont les revenus sont hors budget…). Ils doivent pouvoir jouir d’une personnalité juridique garantissant une clarté des règles de fonctionnement (retrait et dépôts). Ils doivent être soumis au contrôle du Parlement et l’application du principe de la reddition des comptes doit être de mise. La transparence ne pourra que militer en faveur de l’assouplissement des méfiances à l’égard des fonds souverains. L’adoption réciproque de ces mesures tant par les Etats africains que leurs partenaires favoriserait la confiance mutuelle et le maintien d’un environnement d’investissement libre, stable et ouvert pour la prospérité de tous.

 

Sali Bouba Oumarou est analyste sur www.unmondelibre.org

 

(1) Caroline Bertin Delacour, Les fonds souverains : ces nouveaux acteurs de l’économie mondiale, Les Echos editions, Paris, 2009, p.19.
(2) Selon Gawdat Bahgat « Sovereign Wealth Funds » Global policy vol 1, issue2, May 2010, p.162. Le Koweït est vraisemblablement le premier Etat à avoir ouvert le bal de la création des fonds souverains pétroliers en 1953.
(3) http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/03/08/04016-20110308ARTFIG00409-comment-la-libye-essaime-ses-petrodollars.php consulté le 27 août 2012.
(4) http://economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/12158-nigeria-creation-dun-fonds-petrolier.html consulté le 24 août 2012.
(5) Caroline Bertin Delacour, op.cit, p.194.
(6) Ibid., p.115.
(7) Art. 3 du code de la libération du mouvement des capitaux.
(8) http://www.lesafriques.com/actualite/les-fonds-d-investissement-libyens-sur-tous-les-fronts.html?Itemid=308?articleid=17282 consulté le 27 août 2012.
(9)  John Baude, « Étude sur la création d’un fonds souverain en Nouvelle Calédonie », IOEM, Mai 2012, p.9.

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Cameroun : Quelle réforme pour les subventions au carburant?

22 Août 2012, 17:07pm

Publié par Sali Bouba Oumarou

Cameroun : Quelle réforme pour les subventions au carburant ? (publié sur www.unmondelibre.org)

moi.JPGLe gouvernement Camerounais compte vraisemblablement procéder à une augmentation du prix des carburants. La raison invoquée est que les subventions, qui permettent de stabiliser le prix des produits pétroliers, grevent lourdement le budget de l’Etat et deviennent insoutenables dans le contexte actuel. Quel est la portée d’un tel argument et quelles en sont les implications ? N’y a-t-il pas d’autres dysfonctionnements à régler pour remédier au déficit budgétaire ?

 

     L’idée de subventionner les produits pétroliers au Cameroun est intimement liée à la volonté du  gouvernement de sauvegarder le pouvoir d’achat des plus démunis. Par la stabilisation des prix des produits pétroliers, entrant dans les coûts de production de plusieurs biens et services, l’Etat cherche à contenir les frustrations des populations dont le pouvoir d’achat est très faible. C’est ainsi que pour la seule année 2011 le niveau des subventions accordées par l’Etat à la consommation des produits pétroliers était de l’ordre de 323 milliards de F CFA, contre 145 milliards de F CFA en 2010, ce qui représenterait près de 14% du budget de l’Etat, soit 60% de la masse salariale de l’État (1). Les prévisions pour l’année 2012 situent le coût de ces subventions au moins à égalité avec celles de l’année 2011(2). Au vu de leur poids dans le budget de l’Etat, ces subventions sont-elles réellement soutenables ? Allons plus loin : faut-il encore défendre une politique de subvention ?

 

     La situation dans laquelle se trouve actuellement le gouvernement Camerounais était prévisible à plusieurs égards. Une politique de subvention générale, au-delà des effets immédiats qu’elle produit pour les bénéficiaires, entraîne plusieurs effets pervers moins « visibles ».

 

    Déjà au niveau de l’objectif affiché de cette politique, il faut remarquer que du fait de leur caractère non ciblé, les subventions bénéficient davantage à l’Etat, aux industriels, et aux nantis qu’aux plus démunis. Selon le professeur Tsafack(3), des études montreraient que près de 70% des subventions du « Super » sont captées par les 40% des revenus les plus élevés, alors que et que les revenus modestes ne bénéficieraient que de 13% des subventions sur le pétrole lampant. De ce fait, cette politique de subvention générale parait injuste.

Parallèlement, toute politique de subvention empêche « la vérité des prix »  fournissant aux agents économiques les signaux leurs permettant d’ajuster leurs choix en fonction des raretés relatives : cela crée des distorsions dans l’allocation des ressources.

 

    Une politique de subvention créée aussi une dépendance : les agents économiques habitués à cette mesure en deviennent dépendants à tel point qu’ils la perçoivent comme un droit et qu’il devient alors politiquement risqué de remettre en cause celle-ci. Par conséquent le gouvernement finit par se retrouver avec un accroissement de la charge des subventions qui devient insoutenable sur le long terme. Et en effet, il cherche actuellement les moyens pour revoir cette politique.

 

   Si le risque est socialement élevé de procéder à un demantellement immédiat des subventions générales aux produits pétroliers au Cameroun (augmentation des prix), il reste qu’il existe d’autres moyens qui peuvent être explorés pour supprimer de manière progressive ces subventions sans pour autant générer une hausse considérable des prix. Les leviers sur lesquels peut agir le gouvernement restent ceux de la fiscalité des produits pétroliers, de la gouvernance et d’une politique ciblée de soutien aux revenus modestes.

 

   S’agissant du premier point, il faut remarquer que la structure des prix des produits pétroliers se divise en composantes non fiscales et fiscales. Et, côté fiscal, force est de constater que les produits pétroliers sont soumis non seulement aux droits de douane, à la TVA (sur le produit ; sur les prestations de services ; sur la distribution) mais aussi à une taxe spéciale sur les produits pétroliers qui représente 20% du prix du gasoil et du super. Sur un litre de super qui coûte 569 Fcfa à la pompe, les taxes représentent ainsi 235,95 Fcfa , et 190,95 Fcfa pour le litre du  gasoil qui coute 520 fcfa ; sur le litre de pétrole à 350 FcFa les taxes sont à 127,56 Fcfa. On subventionne ainsi d’un côté un produit que l’on taxe de l’autre… Un  réexamen de cette fiscalité devrait permettre de réduire le poids la subvention en supprimant en même temps certaines taxes.

 

   Ensuite, la transparence dans la gestion des revenus des produits pétroliers et la corruption généralisée constituent un sérieux handicap du gouvernement en matière de gouvernance : les coûts de production sont impactés. Jusqu’à présent, le pays n’a pas encore réussi à remplir toutes les conditions pour son adhésion à l’initiative de transparence des industries extractives (4), alors que des pays comme le Ghana ont été admis promptement. Le principe de reddition des comptes doit être de mise en matière de gouvernance. Parallèlement, l’homologation en aval des prix par la caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures, porte un sérieux coup à l’assisse d’une véritable concurrence qui aurait un impact favorable sur les prix, alors même que le secteur a été en apparence « libéralisé » en 2000.

   Sur le plan social, et pour rester dans l’optique de soutien aux démunis, l’Etat pourrait utiliser un système d’aide directe ciblée  qui permettrait de toucher effectivement les ménages à faibles revenus.

 

    Enfin, rappelons que des prix perçus comme relativement trop élevés sont dus essentiellement à un pouvoir d’achat trop faible. Or, l’augmentation de ce dernier ne peut être obtenu que par un environnement propice à la croissance, à l’entrepreneuriat : une politique de long terme de défense du pouvoir d’achat passe donc immanquablement par une réforme institutionnelle plus large.

 

Sali Bouba Oumarou est analyste sur www.UnMondLibre.org.

 

(1) Journal Lemessager du 27 juillet 2012.

(2) http://www.csph.cm/ consulté le 08/08/2012.

(3) Interview accordé au quotidien Cameroon-tribune du 20/07/2012.

(4) http://eiti.org/document/Cameroon-2010-Validation-Report consulté le 08/08/2012

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