Oumarou Sali Bouba (Chercheur cooperation internationale et developpement)
Il existe
une certaine unanimité sur la nécessité de moderniser l’administration publique marocaine, pour que cette dernière puisse jouer pleinement son rôle dans son environnement
politique, économique et social. Cette nécessité de modernité nait elle-même, des difficultés qui perdurent depuis l’indépendance et des défis contemporains auxquels fait face l’appareil
administratif marocain.
Si nous pouvons admettre que « les problèmes de l’administration sont connus et
inventoriés », il n’en demeure pas moins que les problèmes et les
difficultés identifiés, ne sauraient appréhender la « crise » de cette administration dans sa totalité. Surtout lorsqu’il s’agit de l’administration publique en
Afrique dont la caractéristique essentielle est la dialectique, tradition et modernité.C’est dans ce sens que
A.bauvy affirme, dans son analyse du système bureaucratique en Afrique, qu’ « on peut constater le décalage entre une société attachée à des modes de fonctionnement très largement
construits sur l’autonomie sociale, la solidarité familiale et tribale, et un système administratif qui organise, réglemente, encourage, encadre etc. Toutes les activités… »
A l’instar des autres pays d’Afrique, l’origine de l’administration publique
« moderne » au Maroc est due à la colonisation, qui a opérée les premières reformes de l’organisation administrative existante, caractérisée de traditionnelle. Cet
héritage colonial, censé favoriser l’essor du pays, va au fil du temps être pensé et réfléchi dans ses structures. A l’euphorie des premières heures des indépendances, vont faire place, les
difficultés d’une administration tentaculaire, envahissante, dont les procédures échappent à la plupart des citoyens pour qui et par qui elle existe. Le premier ministre du Maroc, en 1982
déclarait à juste titre lors d’une réunion avec les membres du gouvernement « Je vous ai invités, disait il, à participer à cette importante réunion élargie au cours de laquelle nous
examinerons une question qui nous préoccupe tous, la reforme administrative, l’amélioration de l’action de l’administration, le contrôle des fonctionnaires et la protection des citoyens contre la
complexité des rouages administratifs et le comportement de certains agents. »
S’il n’est pas surprenant que le discours politique et les études,
recherches, faites sur l’administration publique marocaine convergent dans le même sens en ce qui concerne les maux de celle ci, la pluralité et la diversité de ceux-ci témoignent de l’ampleur
des difficultés qui entravent le fonctionnement de cette administration dans l’accomplissement de ses missions. Ces difficultés peuvent être sériées, à notre sens, en deux grandes
catégories.Celles des difficultés structurelles et celles des difficultés culturelles (sous section 1), qui ont été à la base des premières tentatives de modernisation de l’administration
publique marocaine.
Aussi, les
nouvelles exigences du monde contemporain et les mutations qu’il connait entraîne avec eux de nouveaux défis (sous section 2) auxquels doivent faire face les administrations publiques
nationales africaines insérées dans le processus de globalisation .Dès lors, il est plus qu’évident que « Les règles traditionnelles de gestion administrative, immuables pendant de
longues années, sont inadaptées aux nouvelles exigences du temps moderne » .
Sous section 1-les « anciennes » difficultés de
l’administration publique marocaine
L’administration publique marocaine a connu des évolutions notoires tant dans ses
structures que dans ses missions.Conséquemment à cette évolution, celle-ci connait des difficultés qui peuvent être qualifiées d’ «anciennes » dans la mesure où celles-ci sont toujours
présentes, en dépit des nombreux projets de réforme en vue de les résoudre.Ces difficultés sont d’ordre structurelles (1) et culturelles (2).
1-les difficultés structurelles
Parmi les aspects matériels de l’administration publique, les structures sont des
éléments saillants. En effet, pour accomplir ses missions, toutes administrations a besoin de structures appropriées. Les missions à remplir et la
répartition des moyens amènent l’administration publique non seulement, à adapter ses structures afin de faire face aux mutations de son environnement en perpétuel
structuration et déstructuration, mais aussi à répondre aux exigences de plus en plus nombreuses des usagers du service public.
Dans son analyse sur les contradictions de la réforme administrative au Maroc,
Mohammed El Yaagoubi[7], nous fait remarquer que l’administration publique marocaine présente les
caractéristiques de la bureaucratie Weberienne dans son acception classique. En d’autres termes, nous sommes en face d’une administration fortement centralisée et hiérarchisée,
avec des structures administratives nombreuses dont les traits particuliers sont l’anonymat et l’impersonnalité des rapports dans l’administration ou de l’administration avec
ses usagers.
De ce
point de vue, il devient plus aisé de comprendre que, la recherche d’une adaptation des structures administratives aux objectifs contemporains du pays, est une dimension permanente de
l’amélioration du fonctionnement de l’appareil administratif marocain.
1-1-Centralisation excessive
Pour Ali Sedjari et Khalid Ben Osman, c’est le rapport de la banque mondiale de 1995
qui est venu systématiser et mettre en exergue les difficultés structurelles de l’organisation administrative marocaine qui étaient déjà connus dans leurs grandes majorités. Khalid Ben Osman avance à cet
effet, que les structures administratives du Maroc connaissaient non seulement une tendance « parkinsonienne » mais aussi des chevauchements des compétences. Le tout
chapeauté par une centralisation excessive et la complication des procédures.
En effet, malgré un processus de déconcentration et de décentralisation, entamée dès les premières heures de l’indépendance ;
L’administration publique marocaine reste caractérisée comme la pluspart des administrations en Afrique par une centralisation excessive .Ceci au regard, de l’importance des prérogatives
reconnues aux structures centrales ainsi que des pouvoirs discrétionnaires et des moyens qui leurs sont dévolus. Comme le souligne Charles Debbasch, la centralisation est un système où il n’y
a pas de vie administrative en dehors des structures centrales qui détiennent les prérogatives décisionnelles pour tout le territoire. De même la déconcentration, qui
n’apporte aucune modification à la structure centralisée, ne participe qu’à un aménagement du pouvoir de décision. Lequel pouvoir déconcentré reste subordonné à un contrôle hiérarchique. C’est
dans ce sens que le décret du 20 octobre 1993,qui réglemente la déconcentration au Maroc, assigne une mission de conception, d’orientation, d’organisation, de gestion et de
contrôle aux structures centrales, tant disque les structures déconcentrées sont chargées de l’exécution de la politique gouvernementale et des directives, décisions des autorités
compétentes
Somme
toute, il est plus qu’évident aujourd’hui, qu’une centralisation excessive ne s’accomode pas aux exigences de la gestion moderne des administrations publiques à la recherche constante
d’efficacité.
1-2-Structures administratives nombreuses
Parallèlement, à la tendance centralisatrice de l’administration marocaine, les
recherches faites sur celle-ci, mettent un accent particulier sur la question du développement désordonné des services. Doublé d’un déphasage entre les missions assignées par
les textes officiels et les missions accomplies par certaines structures. Le corollaire de cet état de fait, ne peut qu’être l’apparition des chevauchements des compétences et l’existence de
doublon de structure qui ont un impact non seulement sur les agents publics mais aussi sur les usagers du service public. Lorsque les structures, ne sont pas adaptées à leurs
missions et qu’elles sont nombreuses, elles ne peuvent que contribuer à paralyser et à décourager les agents publicsdans l’accomplissement de leurs missions.
En 1999 Par exemple, on dénombrait au niveau des services centraux
244 directions, 687 divisions et 2107 services. Les services déconcentrés étaient quant à eux au nombre de 1072. Ceci pour un effectif global de 496.258 fonctionnaires, qui passera au courant de l’année 2001-2002 à
679.638 fonctionnaires qu’il faut
rétribuer.
1 -3 le problème de la masse salariale
Le poids de la masse salariale de l’administration
marocaine, est considéré comme une réelle entrave à l’efficacité de son action .Dans la mesure ou une part assez importante de ses ressources sont
consacrées à la rétribution de ses agents au détriment du développement des investissements publics.
La banque mondiale remarquait déjà en 2001, que la masse salariale représentait près
de 12,5% du produit intérieur brut du pays. Toujours dans la même
année «…la masse salariale a représenté 43,4% des dépenses globales de l’Etat, 53,2% des dépenses de fonctionnement et l’équivalent de 2,4 fois le budget d’investissement. ».
Même si le
débat reste toujours ouvert sur les effets de
l’investissement et du capital public sur la croissance, il n’en demeure pas point que certaines études empiriques ont démontré l’importance des investissements publics dans le processus de
dynamisation d’une économie. Sebastien Dessus et Remy Herrera ont ainsi pu démontrer, dans leurs études sur «Le rôle du capital public dans la croissance des pays en développement au cours des
années 80 », l’impact positif des investissements publics sur la croissance des pays en développement à long terme. Ce qui revient à dire en d’autre terme, que les
investissements publics ne sont pas neutres dans le processus de développement d’une économie.Or nous constatons qu’au sein de l’administration publique marocaine, les dépenses de fonctionnement,
dont une part prépondérante est réservée aux traitements des agents publics, sont plus importantes que les
investissements publics.
Par voie de conséquence, l’une des tâches de l’administration marocaine réside dans
la maîtrise de la masse salariale. C’est d’ailleurs dans ce sens que peut être analysé l’opération « Intilaka » ou l’opération des départs volontaires initié par le
ministère de la modernisation du secteur public.
Cette opération a permi d’enregistrer le départ de près de 38.763 fonctionnaires
permettant une réduction de 8,5% de la masse salariale. Toutefois, la réduction de la masse salariale n’est pas un gage d’efficacité de l’administration publique. Cette mesure d’ordre interne à
l’administration, ne change pas pour autant l’image négative de celle-ci au niveau des usagers
Sans pour autant prétendre avoir cerné l’ensemble des difficultés structurelles de
l’administration publique marocaine, il va sans dire que ces difficultés sont de nature à entraver l’efficacité de l’action administrative. Et de surcroit, à renforcer l’image négative de
l’administration publique. La multiplication anarchique des structures administratives par exemple, sont de nature à entrainer une complexité des procédures qui entravent les relations entre
l’administration et les administrés.
Or l’insertion d’une administration dans son environnement et ses relations avec
celui-ci, sont des baromètres de modernité et d’éffacité. Car loin d’exister pour elle même, l’administration est présente pour des besoins sociaux et d’organisation sociale.
Cependant, Il y a lieu de noter que les reformes entamées ces dernières années ont
toujours mis au cœur des préoccupations l’amélioration des relations avec les usagers, quoique celles-ci n’ont été pensées exclusivement qu’en terme de structures et rarement en terme de gestion.
Il en ainsi par exemple du programme national de gouvernance, qui dans son sous programme de modernisation de l’administration a mis un accent particulier sur la rationalisation des structures
administratives, la coordination administrative, l’amélioration du processus de circulation de l’information au sein de l’appareil administratif. Dans le même ordre d’idée, le pacte de bonne
gouvernance proposé par le gouvernement d’alternance en 1998 et le livre blanc de la reforme administrative de l’an 2000, accordent eux aussi une place de choix à la reforme des structures qu’aux
méthodes de gestion. Quoique la notion d’efficacité de l’administration publique commence à s’inscrire dans les discours.il s’agit alors de « bâtir une administration efficace,
resserrée sur ses missions essentielles, dotée des ressources répondant à ses besoins réels, à l'écoute constante de son environnement et offrir un service public de qualité et au moindre coût
».
2-les difficultés culturelles : la problématique de l’éthique
S’il existe une problématique partagée par l’ensemble des
administrations publique de par le monde, c’est bien celle de l’éthique. En effet, des maux tels que la corruption, le traffic d’influence, la concussion ou encore l’abus de
pouvoir sont présents, à des degrés divers, dans toutes les administrations publiques. Et sont considérés comme des pratiques contraires à l’éthique.
Terry Cooper[24], en s’intéressant à cette question d’éthique au sein de l’administration publique americaine,
Remarque que cette problématique à fait l’objet de profonde réflexion et d’étude empirique. Ces études ce sont intéressées au trois niveaux des relations qu’entretiennent les
agents publics, qui se résument à des relations intra-administration, inter-administration et administration-administré. Les conclusions de ces travaux ont mis la politisation
de l’administration comme facteur principal des pratiques contraires à l’éthique.
S’il est admis que les pratiques contraires à l’éthique au sein des administrations
publiques ne s’accommodent pas avec la recherche de l’efficacité et une gouvernance efficiente, il n’en demeure pas moins que la problématique de l’éthique reste avant tout une question de
valeurs.Car elle renvoie non seulement au devoir de décider, d’user de sa liberté d’appréciation dans la prise de décision, mais aussi à un ensemble de valeurs, normes auxquels des individus se
réfèrent en matière de décision.
Les philosophes tels Socrate, Aristote, Rousseau, ont été les premiers à s’intéresser
à cette question d’éthique au sein de la société. C’est d’ailleurs les travaux des philosophes grecs qui vont permettre de considérer des principes tels que la justice,
l’impartialité, l’équité comme des principes éthique. La question qui se pose alors ici est celle de savoir comment se fixe les règles d’éthique professionnelles au sein des administrations
publiques.
2-1 L’éthique dans l’administration publique
Les
expériences de recherche d’instauration de l’éthique professionnelle au sein des administrations publiques, nous laisse constater que celle-ci, se fait au
travers de la mise en place des codes d’éthique et la répression des actes et pratiques considérés comme contraire à l’éthique. Georgie Whiton et all[25],avancent
d’ailleurs,l’idée selon laquelle l’instauration de l’éthique professionnelle du service public passe par l’élaboration des codes de bonne conduite qui reposent sur des valeurs tels, la légalité,
l’egalité,l’impartialité, le service, l’intégrité, la diligence, l’efficience etc. C’est dans le prolongement de cette idée que peut être vue le « règlement sur l’éthique et la déontologie
des administrateurs publics »[26] mis en place par le Quebec. Selon ce règlement,
l’administrateur public est tenu de réaliser la mission de l’Etat dans le respect du droit, avec honnêteté, loyauté, prudence, efficacité, assiduité et équité
etc.
Dans le même esprit, l’assemblée générale des Nation Unies dans sa résolution 51/59
du 28 janvier 1997, propose « un code de conduite international de conduite des agents de la fonction publique ». Selon ce code, les agents publiques doivent veiller à s’acquitter de
leurs obligations et fonctions de manière efficace conformément à la loi ou aux règlements administratifs et ne pas user de leurs fonctions à des fins personnels.
Bien que, l’instauration des codes d’éthique peuvent avoir le mérité de préciser les
valeurs qui doivent être partagées et mises en œuvre par les agents publics dans l’accomplissement de leurs devoirs, il n’en demeure pas moins que l’instauration et le respect de l’éthique
professionnelle dans la fonction publique ne saurait se résumer à l’instauration des codes de conduite éthique. Car La question de l’éthique reste étroitement liée à
l’existence humaine. Certes les lois et règlements dans la société jouent un rôle important dans la formation morale et vertueuse, mais à elles seules ne suffisent pas, comme l’on si bien
démontré les philosophes réalistes Hobbes et Machiavel. L’individu en société, réfléchi, pose des actes dans bien
des cas conformément à ses valeurs ou ses intérêts qui peuvent aller en contradiction avec ceux de l’administration publique. Surtout lorsque nous admettons que les causes de la corruption sont
souvent liées aux problèmes structurels de l’administration publique, de manière spécifique ceux concernant les traitements des agents publics, et les procédures administratives.
2-2- l’éthique et la corruption dans l’administration
publique marocaine
Dans son message au colloque national sur le « soutien de l’éthique dans le
service public », le Roi Mohammed VI notait que déjà que «…l’une des
obligations premières du service public consiste à se conformer à une haute moralité et à servir le citoyen avec une abnégation digne du service public et de l’intérêt supérieur, conformément aux
exigences de l’option démocratique des Etats de droit ».Comme le souligne le Souverain, l’éthique au sein du service public doit permettre l’amélioration des qualités des services rendus au
citoyen par l’administration et dans la même occasion améliorer les relations administration-administré.
Si la législation concernant les crimes commis par les fonctionnaires permet de manière implicite de
distinguer les pratiques contraires à l’éthique qui minent l’administration marocaine, La corruption demeure de loin la pratique contraire à l’éthique professionnelle qui entrave les relations de
l’administration avec son environnement. Sur le plan juridique, la corruption est réprimée par les articles 248 et 249 du code pénal. L’article 248 du code pénal prévoie « est coupable de
corruption et puni de l’emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 250 à 5000 dirhams quiconque sollicite ou agrée des offres ou promesses, sollicite des dons présents ou autre
avantages pour ;
1-Etant magistrat, fonctionnaire public ou étant investi d’un mandant électif,
accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, juste ou non, mais non sujet à rémunération ou un acte qui, bien qu’en dehors de ses attributions personnelles est ou a pu être
facilité par sa fonction ;…. ».
Malgré la répression des pratiques contraires à l’éthique et précisément celle de la
corruption dans l’administration marocaine, force est de constater que ces dernières années, le phénomène a pris une ampleur considérable. Durant la période 1998-2001, « 211 dossiers
ont été soumis à la cour spéciale de justice, soit 2 fois plus que les dix années
précédentes ».Alors que ce sont près de 1020 cas de tentatives de corruption ou de corruption
caractérisée qui ont été enregistré par les services de la gendarme Royal dans la même période.
Si la corruption est un phénomène social partagé par l’ensemble des administrations
publiques dans le monde, il n’en demeure pas moins que ses effets sont variés selon les contextes. Dans le contexte
marocain comme dans les pays de l’Afrique subsaharienne, La corruption, comme le conclut, David Clark, a des effets négatifs sur l’ensemble des secteurs économiques et est considérée comme une
taxe non officielle dont les bénéficiaires sont les corrupteurs. « In parts of Africa where corruption is little more than armed robery by the police and army,corruption is an unofficial tax wich does not benefit to the
country. ».Cette pratique favorise alors la déperdition des ressources de l’administration, la majoration
du coût des services publics.Pour tout dire, elle est une menace pour les Etats, elles sapent les institutions (y compris l’administration), les valeurs éthiques et compromet
le développement. En outre elle est souvent la courroie du développement de certaines formes de criminalités économiques.
Somme toute, les difficultés structurelles et culturelles qui minent l’administration
marocaine, comme nous venons de le voir, n’est pas propre à celle-ci. Les mêmes difficultés sont susceptibles d’être retrouvées à des échelles différentes dans les
administrations publiques des Etats africains.
Les
conséquences de ces difficultés sont d’une part, entraver l’efficacité des missions d’intérêt général que doit accomplir l’administration et d’autre part contribuent à ternir l’image externe de
l’administration publique. Gournay a ainsi pu dire que « Dans tous les pays et à toute les époques, les hommes ont été mécontents de leur administration ».
Pour faire face à ces difficultés l’administration publique est alors appelée à
procéder de manière constante à un remodelage de ses structures, de son fonctionnement, et introduire une culture de l’efficacité. Cette nécessité s’avère être aigue lorsque
nous jetons un regard sur les nouveaux défis que doit relever les administrations publiques en Afrique.
Sous section 2- Les « nouveaux » défis de l’administration
publique marocaine
1-adaptation au « système-monde »
Il est sans conteste reconnu que le processus de mondialisation en cours a des
impacts sur les administrations des Etats à travers le monde. La mondialisation économique modifie les orientations des Etats y compris des administrations
publiques. Ali Sedjari affirme, d’ailleurs dans ce sens qu’ « Il n’est plus de domaine ou l’action gouvernementale puisse être aujourd’hui conduite sans prendre en
considération l’environnement international ».
En effet, la mondialisation, qu’elle soit considérée comme un processus, une
internationalisation ou une idéologie, impose des choix aux Etats (dont les administrations
publiques) dans leurs différentes politiques. Les politiques économiques sont ainsi, influencées par les mouvements des capitaux, l’action des organismes internationaux. Témoin de cela,
l’actuelle crise financière et économique qui a touchée l’ensemble des
économies du monde à divers degré imposant au pouvoir public d’opérer certains choix en fonction de ce contexte de crise.
Il faut dire d’emblée, que la problématique de la mondialisation à notre sens et
comme le pense Khalid Naciri, ne se pose pas en terme de partisans ou d’adverses, mais plutôt en terme de limitation de ses effets négatifs, tout en tirant profit de ses
avantages. Pour l’administration publique il s’agit alors de s’adapter à ce nouveau contexte avec ces contraintes, ces défis et ses opportunités. En d’autre terme il s’agit d’avoir une
administration stratège et citoyenne compétitivité tant économiquement, qu’institutionnellement.
Cette adaptation suppose indubitablement d’une part, une administration efficiente et
productrice, remplissant ses missions d’intérêt général conformément aux exigences de son environnement interne et externe. Il est donc, tout simplement demandé à
l’administration publique marocaine d’être efficace « Les exigences d’efficacité accru, (…) apparaissent désormais incontournables ».
Si le principe de l’efficacité est admis en soi comme une finalité parmi tant
d’autres, de l’adaptation de l’administration marocaine dans le processus de mondialisation, il reste toutefois de connaitre la mesure de cette efficacité ?
Certains spécialistes de l’administration ont cru qu’il suffisait de mettre en œuvre
les nouvelles techniques de gestions et d’introduire les nouvelles techniques de l’information et de la communication, pour impulser la culture de l’efficacité au sein de
l’administration publique. La « E-administration » serait alors une voie vers la recherche de l’efficacité
1-2-adaptation technologique
L’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la
communication a eu un impact considérable sur le fonctionnement des administrations publiques. Cependant, même si les tendances à travers le monde montrent la recherche de
l’instauration, de ce que les spécialistes appellent, la « E-administration » ou encore la « E-government », il reste du moins que, ces technologies se heurtent à un
certain nombre d’obstacles, et vont dans une certaine mesure à l’encontre des principes du service publique. En effet, Nous ne saurons imaginer comment un citoyen analphabète
vivant dans une zone rurale caractérisée par l’absence d’infrastructures de base pourrait prétendre utiliser l’outil informatique en particulier internet comme moyen pour se rapprocher de
l’administration. L’ « E-administration » pourrait donc être non pas une source d’efficacité de l’administration mais plutôt une source d’inégalité d’accès au service
public.
L’analphabétisme est ainsi considéré comme étant l’un des facteurs qui
freinent le développement de la « E-administration » en Afrique. A cela vient s’ajouter les coûts relatifs à l’acquisition des équipements nécessaires ainsi que les coûts
d’accès et la maîtrise de ses outils tant par les agents publics que par les citoyens. Il va sans dire donc, que la pénétration des nouvelles technologies de l’information et
de la communication au sein de l’administration publique fait face à des obstacles d’ordre techniques, culturels et structurels.
Cependant, ces écueils ne sauraient mettre de coté, la nécessité d’une adaptation
technologique de l’administration publique. De façon générale, les objectifs affichés par une administration électronique sont à plusieurs égards, l’amélioration des services rendus aux citoyens
par la simplification administrative et la vulgarisation des procédures administratives. C’est dans cet esprit général qu’il faut voir le programme national « E-government »2005-2008 du
gouvernement Marocain.
2-Le défi de la gouvernance pour une administration stratège
Il faut
dire d’emblée que la gouvernance en tant que concept et pratique ne date pas d’hier. Déjà en 1840, le roi Charles Albert de Piemont-Sardaigne voyait dans le buon
governo, un moyen de sortir du marasme dans lequel se trouvait son royaume[45].Le terme va être vulgarisé par les organismes d’aide au développement à partir de 1989. La
gouvernance était alors conçue comme un moyen de résorber les problèmes fonctionnels et structurels des Etats aidés.
La gouvernance est alors conçue comme une
nouvelle approche de la gestion de la chose publique. Pour Harlan Cleveland, elle renvoie tout
simplement à un style d’organisation qui rompt avec celle hiérarchique pyramidale au sein de l’administration publique. Autrement dit, la gouvernance serait un mode de gestion de la complexité
organisationnelle et procédurale de l’administration publique. C’est dans cet esprit que Guy hermet et all, conçoivent la
gouvernance comme un mode de gestion des affaires complexes.
D’un autre
coté, malgré le fait que le concept de gouvernance demeure très variable, il y a lieu d’admettre avec Heinrich et lynch, que la notion de gouvernance au sein du secteur public
renvoie à l’idée d’une administration performante dans l’accomplissement de ses missions d’intérêt général. C’est dans ce sens que Mohammed El Yaagoubi, affirme sans ambages que l’efficacité est un sujet de
consensus pour les administrés dans la recherche d’une administration performante. Pour ce dernier, la performance et l’efficacité devrait être érigées tout comme l’égalité, la continuité, la
mutabilité ; En principe du secteur public. Ce qui suggère la recherche permanente de la quantification des résultats et des coûts de l’action administrative.
Autrement dit, il s’agit
pour l’administration publique marocaine de se centrer sur ses missions stratégiques tant dans la conception, l’élaboration que l’évaluation des
politiques publiques.
Somme toute, comme nous pouvons le constater à
travers les difficultés structurels, culturels et les défis auxquels font face l’administration publique marocaine, le thème de la modernisation de l’administration publique
comme l’ont déjà si bien souligné plusieurs chercheurs, est une question ouverte, permanente. L’administration publique en tant qu’organisation humaine et sociale insérée dans
un environnement est appelée à se restructurer en fonction des changements s’opérant en elle et autour d’elle. Ceci en gardant en ligne de mire sa raison d’être au sein de son
environnement. Il est de plus en plus demandé à l’administration d’être performante, de fournir des résultats dans l’accomplissement de ses missions d’intérêt général. Il va
sans dire alors que « Les règles traditionnels de gestion administrative, immuables pendant de longues années, sont inadaptées aux nouvelles exigences du temps moderne ».
Oumarou Sali Bouba
[12] Malgré ce
centralisme administratif, il y a lieu de noter que le chantier de la décentralisation et de la déconcentration administrative, au Maroc connait des évolutions notoires. Ils évoluent de façon
progressive et expérimentale. La carte administrative dénombrait au sein des 29 départements administratifs à vocation territorial, 631 délégations provinciales et 115
délégations régionales. D’un autre coté, la constitution de 1996 érige en collectivités locales, les préfectures, les provinces et les communes.